un camarade de classe sépien

Pour parler de tout et de rien !
Avatar du membre
Mallorie
Accro
Messages : 2181
Enregistré le : 24 juin 2016, 10:41
Ville de résidence : 24800 Vaunac
Prénom : Mallorie
Ma présentation : http://www.la-sclerose-en-plaques.com/v ... 32&t=13189
Contact :

un camarade de classe sépien

Message non lu par Mallorie »

Lorsque j'ai annoncé à mon entourage que j'avais une sep, Gregory un ancien camarade de classe de BTS m'a tout de suite envoyé un message pour me dire que lui aussi avait la même colocataire et il m'a prodigué quelques conseils et je me suis sentie comprise.
Il avait lui aussi présenté sa maladie sur un site internet qui aujourd'hui ressort. Avec son autorisation je partage avec vous son témoignage, qui m'a profondément touché, ses mots justes sont les mots que je n'ai pas trouvé jusqu'à présent pour exprimer ce que je ressens et ce que bon nombre d'entre nous doivent ressentir. Greg est animé par une force qui pour moi force le respect!

La sclérose en plaques, par Grégory


« Bonjour,

J'ai récemment découvert votre page internet et souhaite partager pour me libérer de certaines frustrations liées à la maladie.

La maladie est là, elle nous limite plus ou moins chaque jour. Le handicap de l'autre est toujours pire que le notre ; on relativise, on essaye de s'en convaincre tout du moins.

Le patient atteint de SEP : un apprenti stoïcien ?

Il y a d'un côté ce qui dépend de nous : ce qu'on s’autorise à faire, ce qu'on s'interdit de faire, ce qu'on a toujours pensé ne pas être capable de faire. Bref, les limites que l'on se fixe arbitrairement comme inconsciemment. On perd tellement le contrôle sur certaines choses que l'on a ce besoin de retrouver une certaine forme de liberté. Reprendre la maîtrise de ce corps différent, de ce corps qui nous limite injustement. Opposer tout d'abord au "Je ne peux pas" au "Je peux autrement"... au "Je peux" par extension.
Lutter contre la maladie est un combat personnel pour se rassurer, ne pas se contenter d'accepter cette image de nous que nous renvoie notre corps à de multiples occasions.

J'ai d'abord, comme bon nombre de patients atteints de SEP, dû affronter le regard de l'autre au travail alors que les premiers symptômes faisaient surface. Sans diagnostic, sans reconnaissance scientifique, sans preuves rationnelles, impossible de faire valoir mes justifications subjectives. Impossibilité de prouver quand on ignore ce qui ne vas pas. Au fond de soi, on sait que quelque chose ne tourne pas rond ; mais sans soutien médical, en plus de la souffrance et de l'inquiétude générée par les symptômes, on doit répondre d'attaques personnelles sur nos valeurs morales.

Oui, sans diagnostic, on doit répondre personnellement de notre fainéantise. D'apparence en effet, aux premiers stades de la maladie, rien ne distingue une main valide d'une main "gauche" voire maladroite. Rien ne distingue le boiteux feinteur du "Scléroplaqué". On nous pousse dans nos retranchements, nous force à produire ce que nous rêverions de pouvoir produire, un peu à la manière de l'héroïne de "kill bill" s'échappant d'un hôpital et demandant à son orteil de bouger.
Il s'agit bien sûr d'une fiction. Dans la réalité, le "scléroplaqué" parle de ses membres comme s'ils étaient extérieurs à lui. "C'est pas moi, c'est ma main".
Alors on se force pour répondre aux attentes de l'autre. Mais dans la réalité on s'épuise moralement car de toute évidence, cette main qui nous fait défaut ne répondra plus aux ordres de notre cerveau ; plus comme avant.

En société, le malaise nait également. Couper un steak devient un challenge quand la pression de l'index sur le couteau ne suffit plus ; et si cela fait bien rire de voir quelqu'un lâcher son verre et ne s'en rendre compte qu'au son des bris de verre, ces rires nourrissent notre capital frustration, notre rejet. "Je ne suis pas maladroit", je ne suis plus tout à fait moi dans l'extériorisation de mon "moi" ; je suis pourtant bien là et dois répondre d'un autre, de ce nouveau "moi" que je rejette, que je n'accepte pas.

Accepter après le diagnostic. Accepter qu'un jour l'on puisse perdre un peu plus de nos facultés. Avoir conscience que certains symptômes peuvent régresser et pourtant vivre pendant plusieurs mois comme si cette faculté allait disparaître à jamais.
Ainsi quand j'ai perdu le sens du goût, j'ai commencé mon deuil, me suis fait une nouvelle raison. Je me suis fait à l'idée que, comme pour ma main droite, je devrais m'y faire ; que je devrais désormais manger sans goût. La SEP est un "mini-deuil" permanant fait de poussées et de rémissions. Ce deuil est obligatoire. De la même façon que les parents d'un enfant disparu ont besoin de savoir leur enfant mort, de faire leur deuil plutôt que de souffrir éternellement en imaginant, en espérant leur enfant vivant quelque part par là... À chaque poussée on attend les signes d'une rémission ; et ayant attendu plusieurs mois avant de finalement retrouver le goût, ces temps d'attente peuvent paraitre bien longs (le mini deuil s'impose naturellement avec le temps).

Combattre ensuite.

Parti vivre en Australie, plutôt que de me focaliser sur ce que je ne pouvais plus faire comme avant, plutôt que de me borner à vouloir dépasser des limites antérieures, j'ai cherché les métiers qui pour moi me semblaient les plus durs. J'ai ainsi travaillé comme pécheur sur un bateau de pèche commerciale. Coupé du reste du monde pendant 1 mois et demi, j'ai pu me confronter à mes limites. J'ai pu travailler de longues heures durant avec pour seul horaire celui des marées. J'ai pu atteindre des limites physiques que j'ai surpassées car je n'avais pas d'autre choix. J'ai donc pris goût aux défis en réalisant qu'ils auraient un rôle moteur dans ma vie. Ces défis en Australie m'ont appris à "Faire autrement" plutôt que de penser que "Je ne peux pas comme avant".
Sur ma route j'ai rencontré bon nombre d'obstacles. J'ai découvert qu'en plus de ce que je ne pouvais plus faire, je devrais désormais dépendre de ce que l'on m'autorise à faire ou non. "Vous ne pouvez pas".

Ce jugement arbitraire qui vous limite. C'est décidé monsieur, vous ne pouvez pas. Point barre, débrouillez-vous de ce "non" vertement réfléchi, contentez-vous de vous faire une raison parmi tant d'autres à venir.
J'ai récemment entrepris des démarches pour pouvoir sauter en parachute. J'ai effectué la visite médicale nécessaire, et l'évocation de ma SEP a changé toute la suite de l'entretien. J'ai expliqué au médecin ma démarche, mes attentes, mes objectifs.
Pour moi c'était bien clair. Le parachutisme comme finalité, comme nouveau défi : une limite jamais explorée. Bref : refus catégorique de la part de la fédération après quelques semaines.
Si nous perdons la maîtrise de notre corps, en revanche nous ne perdrons jamais l'espoir d'en retrouver la pleine possession. Ainsi cette limite a cette liberté : il nous est encore permis d'espérer.
Ce jugement arbitraire qui consiste à fermer net tout débat, à étouffer tout espoir, à sceller une porte à jamais, est vécu comme si l'on vous coupait votre dernière jambe valide. On vous établit une limite de référence que vous n'aurez jamais l'occasion de dépasser, si basse soit elle.

Je me fais aujourd'hui à l'idée que si je veux vivre librement, je devrai accepter de mentir (et par la même me mettre en danger vis-à-vis des assurances). Je refuse déjà mes propres limites et dois redécouvrir mon corps... et on voudrait me fixer des limites supplémentaires ? Dur à accepter.

Peut-être aurez-vous une solution ? »

Par Grégory

http://notresclerose.blogspirit.com/arc ... egory.html
[wave=blue]Chanteeeeuuuuuh LA VIE chanteeeeuuuuhhh!!![/wave]
https://www.facebook.com/forumsep/
Avatar du membre
Bashogun
Célébrité
Messages : 8444
Enregistré le : 14 juin 2016, 18:47
Ma présentation : http://www.la-sclerose-en-plaques.com/v ... 23&t=13044
Contact :

Re: un camarade de classe sépien

Message non lu par Bashogun »

Difficile de réagir après une telle lecture.
Une claque, tout simplement.
Utile.
_________________
Sep rémittente diagnostiquée en sept 2011, premiers symptômes en 2008, voire 2005
Sep secondaire progressive depuis 2016, diagnostiquée en février 2019
Traitement actuel : Rituximab

EDSS 6,5
Avatar du membre
Mallorie
Accro
Messages : 2181
Enregistré le : 24 juin 2016, 10:41
Ville de résidence : 24800 Vaunac
Prénom : Mallorie
Ma présentation : http://www.la-sclerose-en-plaques.com/v ... 32&t=13189
Contact :

Re: un camarade de classe sépien

Message non lu par Mallorie »

Bashogun a écrit :Difficile de réagir après une telle lecture.
Une claque, tout simplement.
Utile.
C'est effectivement parce que je le trouvais parlant et utile pour beaucoup que je me suis permise de le diffuser ici.
J'espère qu'à l'occasion il viendra faire un tour sur le forum.
[wave=blue]Chanteeeeuuuuuh LA VIE chanteeeeuuuuhhh!!![/wave]
https://www.facebook.com/forumsep/
Avatar du membre
lélé
Célébrité
Messages : 8009
Enregistré le : 17 sept. 2015, 07:08
Ma présentation : http://www.la-sclerose-en-plaques.com/v ... 23&t=16798
Contact :

Re: un camarade de classe sépien

Message non lu par lélé »

Je connais ce site et joli témoignage !

Pour moi il lui a fallut quand même des années et de la force pour voir les choses comme ça?
Secondaire progressive.
CamaradeGreg
Débutant(e)
Messages : 6
Enregistré le : 13 janv. 2017, 20:29
Ville de résidence : Brisbane
Prénom : Greg
Contact :

Re: un camarade de classe sépien

Message non lu par CamaradeGreg »

Mon seul et unique colocataire jusqu'à présent était au masculin et était également de notre classe de BTS. Ironie du sort ? Il s'appelait SEB ^^
CamaradeGreg
Débutant(e)
Messages : 6
Enregistré le : 13 janv. 2017, 20:29
Ville de résidence : Brisbane
Prénom : Greg
Contact :

Re: un camarade de classe sépien

Message non lu par CamaradeGreg »

lélé a écrit :de la force pour voir les choses comme ça?
J'ai passé une soirée et diné avec un ouvrier tourneur fraiseur qui à la suite d'une apparente "simple" blessure au doigt avait contracté une septicémie et s'était vu amputer ses membres l'un après l'autre (toutes ses 5 extremités les plus précieuses).

Sa force mentale m'a reboosté car il a pris ce handicap à son avantage: "le regard de l'autre à changé mais le petit con d'avant, celui qui était derrière l'homme d'apparence forte, se cache désormais derrière le préjugé du cul de jatte manchot. Aujourd'hui le con que j'étais a les moyens d'exister et je vis enfin"

Il faut revoir nos attentes certes mais en révisant nos certitudes et en corrigeant ces attentes se dévoilent d'autres perspectives, d'autres visions sur la vie et se dessine une autre manière d'envisager et d'aborder l'autre. Vos vrais amis vous les trouverez maintenant si vous ne les avez pas déjà trouvés.
Avatar du membre
Bashogun
Célébrité
Messages : 8444
Enregistré le : 14 juin 2016, 18:47
Ma présentation : http://www.la-sclerose-en-plaques.com/v ... 23&t=13044
Contact :

Re: un camarade de classe sépien

Message non lu par Bashogun »

S'ouvrir, dépasser les représentations, abattre les murs, rencontrer pleinement, partager nos différences et s'en enrichir.
_________________
Sep rémittente diagnostiquée en sept 2011, premiers symptômes en 2008, voire 2005
Sep secondaire progressive depuis 2016, diagnostiquée en février 2019
Traitement actuel : Rituximab

EDSS 6,5
Répondre

Retourner vers « Forum libre... »