Plus j'y réfléchis, plus je me dis qu'en fait, pour ton diagnostic, il est impératif de garder à l'esprit que l'idée de diagnostiquer une sep dès la première poussée reste aujourd'hui révolutionnaire, limite iconoclaste. On va, je pense, y venir, notamment par une meilleure connaissance de ce qu'on appelle le CIS ("syndrome cliniquement isolé", i.e. le stade précis où tu en es), à propos duquel tu pourras rechercher ce qu'on peut en raconter si ça t'intéresse, mais ça reste révolutionnaire. Je ne peux même pas garantir à 100% que les neuros les plus pointus sur le sujet s'y frotteraient... Tu as les connaissances stables d'un côté, les hypothèses crédibles d'un autre, et la déontologie au milieu de tout ça. J'essaye toujours de me mettre à la place de l'autre, ça permet souvent de comprendre l'incompréhensible.
Je subodorais que mon témoignage te ferait du bien . Tu me poses quelques questions ou soulèves quelques points, en vrac :
- pour ce que j'en sais, la "gravité" de la première poussée n'est pas un facteur pronostic particulièrement probant, alors que le temps qui sépare la deuxième poussée de la première l'est plus (tout en restant très loin d'être une règle gravée dans le bronze). Tout au mieux peut-on avancer qu'une sep qui débute par une forme surtout sensorielle sera plus volontiers d'un pronostic plus favorable, qu'une sep qui débute par un syndrome pyramidal ou un syndrome cérébelleux, mais là encore c'est une image très floue, qui admet plein d'exceptions dans un sens comme dans l'autre. La quantité des lésions et leur étendue sont a priori sans objet sur le pronostic à long terme. Tout ça reste à la très, très grosse louche, comme beaucoup de choses dans la sep, donc il ne faut surtout pas que les connaissances statistiques que tu es en train d'emmagasiner sur la sep, ni ne te dépriment, ni ne t'enthousiasment : ton cas est ton cas, les statistiques sont les statistiques... et la vérité est ailleurs .
- les sifflements d'oreilles (le bon terme c'est acouphènes) : marrant que tu en parles, j'ai été victime d'une "surdité brusque" (tu pourras chercher sur internet si ça t'intéresse) voici bientôt deux ans, traitée par mini-bolus de corticoïdes par voie orale, 400 ou 500 mg par jour pendant une semaine, ce qui en Suisse est le traitement classique pour cette pathologie. Totalement disparue au bout de deux semaines. J'avais évidemment fait part à l'ORL, dès notre première rencontre, de la préexistence d'une sep, possibilité qu'il a donc envisagée, mais exclue par la suite. Ne me demande pas pourquoi ni comment, mais la sep a été exclue des causes possibles. Au fait, d'après ce que m'a expliqué l'ORL, l'acouphène vient du fait que ton cerveau, ne recevant plus d'informations d'une oreille, remplace automatiquement cette absence d'informations par un "bruit blanc".
- pour la prise de cortisone, je ne m'en inquiéterais pas trop, les corticoïdes sont un élément de confort en ce sens qu'en général (pas toujours) ils permettent d'accélérer la fin de la poussée, mais ils ne sont de rigoureusement aucune efficacité contre l'installation éventuelle de tel ou tel symptôme à la suite de cette poussée, de la même façon qu'ils n'ont aucune influence sur le pronostic à long terme. Je n'ai pris qu'une seule fois un bolus de solumedrol en IV, bon je reconnais c'était cool, je pétais le feu et j'ai tout de suite compris pourquoi la chose était considérée comme produit dopant dans les milieux sportif : j'avais fait un peu de montagne pendant l'arrêt maladie qui avait suivi (le neuro m'avait recommandé une "mise au vert" pour mieux récupérer, j'ai suivi sa recommandation à la lettre ), j'ai profité de tout ce temps libre pour faire un sommet qui m'intéressait depuis toujours, six heures A/R. L'année suivante, j'ai réessayé rigoureusement la même sortie, mêmes conditions de glace et de météo, alors que j'étais en forme normale : j'ai dû faire demi-tour bien avant le sommet, et en tout ça m'a pris dix heures. Ca rigole pas. Bon, retiens que les corticoïdes sont un élément de confort ponctuel dans la sep, et rien d'autre, donc il est tout à fait possible de s'en passer sans faire peser quelque menace que ce soit. Accessoirement, ta description ne me paraît pas suffisante pour en conclure une intolérance aux corticoïdes, il est possible que cela soit effectivement des symptômes liés à une poussée. Dans un tel cas tu tiens peut-être ta deuxième poussée ???
- ce fil est en train de me faire découvrir un aspect nouveau de la sep, qui est l'absence fréquente de concordance entre les IRM et les poussées telles que définies en tant que manifestations de symptômes (je commence à avoir glané quelques témoignages en ce sens). J'éviterais donc toute conclusion hâtive basée sur le fait que ton IRM est peu loquace.
Ouéouéoué.Barbara92 a écrit :Après ton diagnostic et ta phase d installation, tu as ressenti le besoin fondamentale de te ralier aux besoins essentiels de la vie, tu as réussi cet objectif. Malgré une IRM particulièrement imprégné en plaques et une (entre plusieurs) poussée très intense, non seulement tu as réussi cet objectif mais en plus cette foutue sep est restée sage en espaçant tes poussées et en te laissant très peu de séquelles, et en plus sans prendre de traitement.
Respecter ses besoins et ses envies est essentiel, aborder la vie de manière positive aussi, et je suis persuadée que ça aide dans la maladie. Je sais que tout le monde ne partage pas le même avis, mais moi je ne sais pas pkoi, c'est comme une évidence.
Je mentirais si je prétendais que ce n'est pas, en effet, ce qui a guidé ma vie de sepien pendant, disons, les quinze ou vingt premières années dans la maladie, et que chaque année de plus n'était pas considérée comme un nouveau succès de ma façon de gérer ça. Mais... C'est beaucoup plus compliqué que ça. Avec le temps je suis de plus en plus intimement persuadé qu'il existe plein de personnes qui en auront fait beaucoup plus que moi dans cette direction, et qui seront loin d'avoir connu une évolution aussi favorable que la mienne. Quand je parlais, dans mon message de présentation, de la nécessaire humilité face à la maladie, quand je disais également qu'il ne fallait s'attendre à aucun prosélytisme de ma part, c'était entre autres à ça, en particulier, que je pensais. Chaque cas est différent. D'autre part j'ai appuyé sur tel, tel et tel boutons pour essayer d'avoir un contrôle sur ma sep, il se trouve que j'ai en effet eu jusqu'ici une sep pas trop pénible à vivre, il reste que je me garderais bien de tirer toute relation de causalité entre les deux. Depuis quelques années, j'en suis venu à penser au contraire que quoi que j'aurais fait, l'évolution n'en aurait pas été influencée, et qu'en règle générale il serait particulièrement vaniteux de s'arroger un quelconque contrôle sur un animal aussi fourbe et imprévisible que la sep.
Cela dit, vivre comment on a envie de vivre, sep ou pas, est une bénédiction. Ca, je ne dirai jamais le contraire .
Le petit bout de chou va sur ses 23 ans...
A bientôt,
Jean-Philippe.