Salut toi,
Barbara92 a écrit :Donc elle m'a conseillé de vivre ma vie sans penser à ça. Difficile à appliquer comme conseil lol.
Je considère pourtant que c'est un très bon conseil. La meilleure façon de ne plus y penser est, dans un premier temps, de changer son mode de vie dans une direction qu'on aura jugée (empiriquement...) compatible avec la maladie, et de s'installer dans ce mode de vie.
Une autre façon de ne pas y penser va te faire sourire, ou hurler, ou les deux : quand j'ai opposé mon plus récent refus à tout traitement de fond, c'était à ma généraliste il y a quelques années, je lui ai dit que se faire une injection quotidienne ou hebdomadaire, ou prendre des comprimés de façon régulière, était selon moi la meilleure façon d'être conscient de ma maladie au quotidien, or je ne me sentais pas particulièrement malade, je pouvais même passer des semaines entières sans même y penser (depuis que je viens ici ça a un peu changé...). Donc j'avais du mal à voir un "progrès" là dedans...
Les "pistes en cours" "très prometteuses", me croiras-tu si je te promets, la main sur le coeur, que de telles pistes, tout aussi prometteuses, tu en retrouveras des brassées entières dans l'histoire de la sep, aussi loin que tu remontes ? La quasi-totalité ont fini aux orties. Quelques heureuses élues ont gagné une certaine popularité, comme par exemple l'oxygénothérapie hyperbare, dont les effets positifs sont pourtant tout sauf démontrés (cette thérapie est d'ailleurs copieusement méprisée, à raison à mon avis, par les neurologues français ; elle est en revanche beaucoup plus populaire dans les pays anglo-saxons). D'autre part, si je m'intéresse à la partie symptomatique des traitements (un traitement "symptomatique" essayera d'atténuer un symptôme spécifique déclenché par la maladie, lorsque un traitement "de fond" s'efforcera, avec plus ou moins de succès, de s'attaquer aux causes même de la maladie), je suis en droit de me demander pour quelle obscure raison l'usage thérapeutique du cannabis n'est toujours pas ouvert en France. Son utilité est connue depuis des décennies, voire des siècles, en tant qu'anti-douleur notamment : le président Kennedy en consommait pour calmer ses douleurs de dos (maladie d'Addison), la reine Victoria s'en faisait prescrire par son médecin traitant pour atténuer ses douleurs menstruelles, et en France, le cannabis faisait partie de la pharmacopée jusqu'en 1953, ce n'est que depuis qu'il est interdit à des fins médicales. Dans le cas de la sep, certains symptômes peuvent être extrêmement douloureux (spasmes notamment), douleur qui est très efficacement combattue... ailleurs qu'en France, simplement par un bon oinje. Sont-ce là les progrès auxquels tu fais allusion

?
Je pars de l'hypothèse (crédible) que le corps humain est une merveilleuse machine, intelligente et tout. Je vais supposer pour le principe que dans toute cette intelligence remarquable, mon système immunitaire serait devenu subitement fou, au point d'envoyer des lymphocytes massacrer la gaine de myéline qui entoure mes axones, mais attention : pas partout, uniquement les axones situés dans le système nerveux central, le plus inaccessible pourtant aux lymphocytes, du fait de la barrière hémato-encéphalique. Et pas tout le temps, juste une fois de temps en temps. Dans le cadre de la sep, si un lymphocyte rencontre de la myéline ailleurs que dans le snc, et pourtant ce n'est pas ça qui manque, la myéline en dehors du snc, bin il l'ignore. Il est con, hein

. Il y aurait alors non plus un seul dysfonctionnement dans le corps humain (celui du seul système immunitaire), mais nécessairement deux, et simultanés en plus, car il est nécessaire d'y ajouter le dysfonctionnement de la barrière hémato-encéphalique, qui en temps normal ne laisse pas passer les lymphocytes.
Bon, et si en fait les lymphocytes n'étaient pas là par hasard, et si en fait la barrière hémato-encéphalique ne les laissait passer qu'à très bon escient, avec toute son intelligence de corps humain, parce que l'organisme aura "validé" la présence d'une saloperie d'alien à exterminer à l'intérieur du snc, et qu'il aura identifié les lymphocytes comme sa meilleure arme contre cet alien ? Cette hypothèse n'est-elle pas, et de loin, beaucoup plus conforme à ce que l'on sait du fonctionnement du corps humain ? L'inflammation est alors le résultat de la lutte de l'organisme contre l'alien, et c'est cette inflammation qui laisse par la suite des cicatrices ("plaques"). Qui sont bien entendues situées à hauteur des axones du snc, puisque c'est précisément là que la bagarre a eu lieu. Sauf que... si, par hasard, c'était mon alien du snc qui s'attaquait à la myéline (a-t-on la moindre certitude que ce n'est pas le cas ?), alors je trouverais logique et même rassurant que mes lymphocytes se rendent sur ce théâtre d'opérations. Pour essayer d'exterminer l'alien, pas pour exterminer la myéline...
Imagine maintenant que tu colles au patient un traitement immunomodulateur ou immunosuppresseur (je crois qu'à peu près tous les "traitements de fond" sont soit l'un, soit l'autre). Les lymphocytes seront moins enclins à se rendre sur les lieux du forfait, l'alien aura toute latitude pour faire ce qu'il veut, mais comme les lymphocytes auront été bloqués, il n'y aura pas de poussée. Oooh il y aura bien les dommages, hein, mais pas la poussée... Et donc une phase récurrente-rémittente avec moins de poussées, mais un pronostic à long terme inchangé.
Barbara92 a écrit :En plus, qui dit 20 années avec moins de handicap, dit quand même un départ de progressive moins dramatique.
Tu n'as pas bien lu l'article du Pr Confavreux

, ces vingt années auront connu moins de
poussées avec les traitements immunosuppresseurs ou immunomodulateurs. Mais le
handicap à la fin des vingt années sera identique. D'où une des conclusions de l'article : ce n'est pas la poussée qui provoque le handicap. (Ce que j'ai traduit plus haut par : ce n'est peut-être pas les lymphocytes qui massacrent la myéline).
Tiens, parmi les molécules apparues sur le marché vers le milieu des années 1990, il y a eu l'aciclovir, le premier antiviral efficace (mais l'aciclovir n'est pas à ma connaissance indiqué contre la sep, pour une raison qui m'échappe un peu. Tu parles anglais ?
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/8936350). Je fais de l'herpes labial, à chaque fois que je sortais en haute montagne, avec le soleil qui se reflétait sur les glaciers ça ne ratait jamais, j'avais mon bouton le lendemain, une catastrophe. L'aciclovir lutte efficacement contre la... poussée d'herpes (c'est ce qu'on met dans le Zovirax, par exemple), et j'irai même plus loin : si tu le prends préventivement sous forme de comprimés (200 mg, deux fois par jour, uniquement sur ordonnance) avant de partir en montagne, tu n'as rien besoin de te mettre sur les lèvres et la probabilité d'un réveil du virus est considérablement réduite. Je dis "considérablement" pour prendre de la marge, dans mon cas je n'en fais plus, du tout, dès lors que j'ai pris un comprimé préventif (j'en prends uniquement avant d'aller faire le con en montagne, jamais sinon : je ne suis pas très "pharmacie"

). L'aciclovir a également montré une certaine efficacité contre le virus d'Epstein-Barr (EBV). Ces virus (herpes, EBV) sont notoirement dans la liste des suspects dans la sep. Je ne peux m'empêcher de me demander à l'occasion si mon alien de tout à l'heure ne serait pas un de ceux-là, voire chacun, tour à tour, voire en plus un ou plusieurs de leurs copains... Certains virus ne sont jamais éliminés de l'organisme, ils y restent sous forme dormante, et parfois peuvent se réveiller.
Pas simple, hein

.
Tiens, je vais finir par une note culturelle, j'ai souri quand tu as parlé d'hystérie. Tu vois qui c'est, Charcot, oui ?
http://vu.fr/xMb.
A bientôt,
Jean-Philippe.