Bonjour tout le monde

,
J'ai du grain à moudre sur ce post, ça m'apprendra.
Margot a écrit :En quoi est-ce un problème au final ?
Le problème que j'ai se résume en une question : cette voie mérite-t-elle d'être approfondie, ou alors n'est-elle que du concentré de galimatias à orientation sectaire ? Et si c'est un problème, c'est parce qu'elle ne m'apporte aucune réponse définitive. J'ai un peu approfondi et ça m'a donné des arguments en faveur, comme en défaveur, de chacune des options. Ce qui rend le choix fort difficile, pour ne pas dire impossible en l'état. Mais je te rassure, je ne me fais pas trop de mal avec ça

, je vois ça comme une évolution naturelle de mon ancienne passion pour la notion de
niveau de preuve scientifique. le truc c'est simplement que tant que je n'ai pas compris les tenants et aboutissants de quelque chose, ça veut dire que je n'y ai pas assez travaillé, qu'il faut que j'y retourne. Je ne vois qu'une seule façon de concevoir la médecine, et cette façon accepte n'importe quelle approche, que ce soit "allopathique", "traditionnelle chinoise", "homéopathique" et j'en passe...
du moment que l'efficacité de cette approche aura été démontrée.
maglight a écrit :De la même manière cette affirmation, n'est pas valeur de preuve. Tu t'es auto-suggérer, que tu étais a la merci, à tout instant de ta SEP et même après 20 ans et 4 docs, qui voient en toi, une "rémission", tu doutes et t'ancres dans ta croyance.
Hum, retournement de sens. La
croyance, en termes scientifiques (seule définition acceptable dans ce cas, puisqu'il n'est pas question d'encenser un quelconque Grand Être), jouit d'une définition stable et incontestée : est une croyance ce qui n'est "
ni perceptible à nos cinq sens ni vérifiable par une approche scientifique". L'approche scientifique est abondamment disponible sur pubmed et ceux qui entendent en remettre en cause les principes même ("l'approche scientifique ne peut rien face à nos méthodes") font
par définition acte de croyance.
A ce sujet, la contestation préférée des gourous face à la démarche scientifique est tout à fait bancale : ils partent du présupposé que démarche scientifique est forcément égale à étude randomisée double-aveugle (prémisse majeure
fausse), puis ils ont beau jeu de constater que certaines méthodes ne peuvent pas être soumises à un tel protocole (prémisse mineure
vraie) et que par conséquent la démarche scientifique ne peut pas fonctionner dans un ensemble de cas, qui resteront à jamais indémontrables et ésotériques : la conclusion est alors évidemment
fausse, puisque elle repose sur une prémisse majeure qui est elle-même fausse.
Ce même sophisme avait en son temps été abondamment employé par l'industrie cigarettière : puisqu'il est évidemment impossible de faire avaler de la fumée de cigarette à quelqu'un sans qu'il s'en rende compte (impossibilité de l'aspect "aveugle" de l'étude), l'industrie cigarettière s'était très longtemps appuyée sur l'inexistence de la moindre étude randomisée en double aveugle sur le sujet, pour conclure fort abusivement en l'innocuité du tabac. La nocivité du tabac a pourtant fini par être démontrée, mais à travers des études de cas ou des études de cohorte, c'est à dire d'un niveau de preuve, pris isolément, qui est certes moindre que celui du Graal que représente la randomisée double-aveugle. Sauf que quand tu as des dizaines d'études de cas ou de cohorte qui te disent
toutes la même chose, tu commences à atteindre un niveau de preuve scientifique qui n'a rien à envier à la randomisée double-aveugle...
Si les méthodes "alternatives" sont efficaces, alors cette efficacité peut tout à fait être démontrée scientifiquement, et peu importe que la nature de telle ou telle de ces méthodes rende impossible le recours à la randomisée double-aveugle.
Je m'en tiens rigoureusement à cette approche scientifique, notamment en ce qui concerne la reproductibilité de quelque chose. Ce qui me fait affirmer sans hésitation qu'un (contre-)exemple isolé n'a
jamais valeur de preuve.
Motor a écrit :Tu termines par dire qu'il faut se remettre à la chance finalement...Je ne peux m'y résoudre...
S'en remettre à la chance, non ; ce que je dis c'est plutôt que
faute de mieux, la chance est l'explication la plus immédiate.
Que je sois "en rémission depuis 20 ans" est totalement conforme aux connaissances scientifiques :
1 - la
sep récurrente-rémittente s'exprime dans un premier temps sous la forme de
poussées suivies à chaque fois de rémissions plus ou moins complètes, avec à un écart entre le pire de la
poussée et le meilleur de la rémission, qui sait se montrer impressionnant (composante
inflammatoire),
2 - après un temps très variable, les
poussées s'espacent et disparaissent. On entre donc
de facto dans une rémission de longue durée, vis à vis de cette composante
inflammatoire : se prévaloir de cette disparition
naturelle des
poussées au fil du temps pour "confirmer" l'efficacité de son "protocole" serait du pur foutage de gueule (pourquoi je parle au conditionnel ? Certains n'hésitent pas un instant à franchir le cap...). Les
poussées cèdent alors la place à une perte axonale plus ou moins rapide (composante dégénérative de la
sep).
3 - que j'aie fait ma dernière
poussée à peu de choses près huit ans après la toute première, et que je doive par conséquent envisager être passé en phase secondaire depuis à peu près ce moment, est également conforme à la connaissance scientifique qu'on a de la maladie.
4 - Que cette phase secondaire qui serait donc la mienne soit fort peu progressive, enfin, est une possibilité qui a également été documentée scientifiquement : la vitesse de progression d'une phase secondaire est très variable d'un patient à l'autre, ça aussi c'est une connaissance scientifique.
Bref, je n'ai à aucun moment besoin de m'orienter vers une quelconque croyance pour expliquer la façon dont ma
sep a évolué, puisque cette évolution est à chaque fois parfaitement conforme à l'état des connaissances scientifiques, en d'autres termes elle est totalement "vérifiable par une approche scientifique". Que je prétende par ailleurs avoir "eu de la chance" est également conforme : par exemple pour le 1, l'approche scientifique dit que la récupération à la suite d'une
poussée est
plus ou moins complète ; or
à chaque fois ma récupération a été très bonne -- elle aurait très bien pu ne pas l'être autant --, j'ai donc eu de la chance. Et pour le 4., l'approche scientifique constate que le rythme de la perte axonale varie grandement d'un patient à l'autre, de très lent à très rapide. Je suis "très lent", j'ai donc là encore eu de la chance, par rapport au spectre des possibilités que m'offrait la science. Je suis, comme tout le monde ici, un exemple possible au milieu du spectre des possibilités d'évolution que l'on connaît à la
sep, mais un exemple qui,
objectivement et tant qu'on ne peut pas lui trouver de meilleure explication, a eu de la chance.
Si maintenant il était question non plus du simple fait du hasard, de la chance (ma vision donc, faute de mieux), mais du résultat d'une action volontaire que j'aurais entreprise (la vision avancée par nombre de médecins plus ou moins recommandables, certains beaucoup moins que d'autres d'ailleurs), j'en serais le premier ravi, pas tant pour le rayonnement universel de mon nombril

que parce que cela pourrait signifier un sérieux accroc dans la notion (scientifiquement documentée là encore, et abondamment encore) d'imprédictibilité de l'évolution de la
sep de chaque individu, et une réelle source d'espoir pour beaucoup. J'ai réellement envie d'y croire, sauf que je n'y croirai que quand ça aura été démontré, ou du moins solidement étayé.
Scientifiquement 
. Il faudrait à ce sujet m'expliquer au nom de quoi telle ou telle approche médicale serait "efficace", mais "d'une façon non démontrable" : que certaines approches soient efficaces sans qu'on n'en ait encore apporté la démonstration, je n'ai aucune difficulté pour en admettre le concept ; quand en revanche on vient prétendre, pour certaines de ces approches, que leur efficacité, bien que réelle, ne pourra
jamais être démontrée (on en revient à la fameuse prémisse majeure fausse de la randomisée double aveugle), là désolé, je n'achète pas et je n'achèterai jamais.
Je disais avoir vu des arguments en faveur, ou en défaveur, de l'une ou l'autre des possibilités. Je vais faire bref, pour changer

.
En défaveur de l'approfondissement et pour se tenir au courant de ce sur quoi on risque de tomber si on ne fait pas gaffe, je recommande très vivement la lecture exhaustive de
ce fascicule de la Miviludes. Ce document devrait apporter un éclairage plus approfondi à certaines des observations de mag.
En faveur maintenant d'une possible explication démontrable scientifiquement, je vous présente le concept (on ne peut plus scientifique et d'un développement relativement récent, bien que de connaissance beaucoup plus ancienne) d'
épigénétique. L'épigénétique consiste en gros à analyser l'influence des facteurs environnementaux sur l'expression des gènes d'un individu ; l'illustration la plus parlante et immédiatement compréhensible étant celle des œufs de tortue qui, uniquement en fonction de la température ambiante, donneront soit des tortues mâles, soit des tortues femelles. Or, on sait que la
sep est caractérisée d'une part par la présence d'un ou plusieurs gènes dits de
prédisposition génétique, et d'autre part par une influence indéniable de l'environnement -- telle qu'on la retrouve par exemple dans la distribution géographique très contrastée de sa
prévalence.
L'épigénétique considère par ailleurs, et a commencé à étudier sérieusement, le rôle de l'alimentation, comme celui du stress et autres traumatismes en tant que "facteurs environnementaux", et a déterminé scientifiquement la réalité de leur influence. Je cite par exemple l'article de Wikipedia :
un stress vécu dans la petite enfance d'une souris pourrait laisser une empreinte sur la descendance pendant au moins deux générations, des modifications de comportement, des modifications de consommation du sucre et l'augmentation de la production de certaines molécules dans leur hippocampe, et qui plus est, même si le petit ne connait aucun contact avec les parents, conçu par fécondation in vitro à partir des spermatozoïdes de la souris stressée.
On a également commencé, depuis quelques années, à étudier sérieusement ses implications sur la sclérose en plaques. Par exemple cet article :
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6107087/ (désolé hein, en anglais...), qui cite en vrac comme leviers potentiels de modifications épigénétiques le régime alimentaire, le tabac, le stress, l'exposition à des produits toxiques. "C'est pourquoi il est plausible de considérer que l'épigénétique serait la clé entre exposition environnementale et des changements dans l'expression des gènes, associés à des états pathologiques comme la sclérose en plaques".
Bref, peut-être de quoi réconcilier mag avec une approche scientifique

.
A bientôt,
Jean-Philippe.